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Serge Wunsch, les origines de la sexualité humaine

Serge Wunsch, spécialiste en sexologie, propose, à travers son dernier livre Les origines de la sexualité humaine, d’en expliquer les sources et les mécanismes. S’agit-il d’un instinct ? Comment fonctionne le système nerveux chez les animaux et les hominidés ? Comment, et par quoi, le comportement sexuel est-il conditionné ? Un travail colossal qui fait apparaître deux principaux modèles mais qui interpelle aussi sur les lacunes et les carences dans le domaine de la recherche.

Serge Wunsch, enseignant, chercheur, docteur en neurosciences, présente la première synthèse, jamais encore réalisée, des connaissances sur la sexualité. Par un croisement des données scientifiques actuelles, en neurosciences, en éthologie, en ethnologie-anthropologie, en psychologie et en histoire, il fait le point pour comprendre l’évolution des comportements sexuels des mammifères, des primates et des humains.

Disons-le tout de suite, comprendre les origines de la sexualité humaine demeure un travail difficile. D’autant plus que les nombreuses données sur le sujet sont éparpillées dans un grand nombre d’œuvres traitant de multiples domaines. Aucun ouvrage de synthèse ne rassemble toutes les études qui ont été réalisées sur la question de la sexualité. En ce sens, saluons l’initiative et les efforts de Serge Wunsch, à l’origine de cette première synthèse transdisciplinaire !

 

Deux comportements sexuels bien distincts

Son livre, copieusement référencé (pas moins de 466 références), compulse et croise un large éventail d’études et de données sur la sexualité des mammifères non-primates, notamment les rongeurs, et des mammifères hominidés. Leur analyse lui a permis de mettre en lumière deux comportements sexuels bien distincts. La sexualité des mammifères non-primates  se limite à un comportement de reproduction tandis que les mammifères primates se singularisent par  un comportement érotique.

Il note une rupture fondamentale entre les rongeurs et les hominidés. Cette dissociation semble être apparue à partir du pan paniscus (bonobo). Il explique que, “Au cours de l’évolution des rongeurs jusqu’aux  hominidés, on observe plusieurs modifications structurelles et fonctionnelles du système nerveux qui induisent les modifications  du contrôle de la motivation et des comportements.” Il existe en effet d’importantes différences entre le cerveau des rongeurs notamment, et le cerveau des humains. La taille du cerveau humain est environ trois mille fois supérieure à celle d’une souris.

Or, plus le cerveau est développé, plus il favorise les processus cognitifs et plus il se complexifie. Cette observation montre notamment que le contrôle hormonal décroît avec l’augmentation du cerveau.

 

“La sexualité humaine ne dépend plus du contrôle physiologique. Reproduction et sexualité sont dissociées.”

 

Serge Wunsch explique qu’au fil de l’évolution, sous l’effet d’une importante corticalisation,”La sexualité humaine est devenue continue, et ne dépend plus du contrôle physiologique de la reproduction. Reproduction et sexualité sont dissociées.

Ainsi, bien qu’encore nécessaire chez l’être humain, le taux hormonal et ses variations n’influencent que faiblement ses activités sexuelles. Il précise à ce sujet que les informations phéromonales deviennent secondaires puisque 90% des gènes liés aux phéromones sont altérés.

La femme ne dépend donc pas d’une concentration importante d’hormones pour être motivée sexuellement. Pour elle, les activités sexuelles ont lieu au gré de ses désirs. Elle peut même avoir un rapport sexuel pendant son cycle menstruel. Rien à voir avec  les femelles non-hominidés qui n’auront un accouplement que sous la poussée d’un pic d’hormones (œstrogènes) déclenchant automatiquement l’ovulation et la copulation dans l’objectif essentiel de la reproduction.

 

Mais alors, il n’y a plus rien d’instinctuel chez l’être humain ?

De fait, il n’existe pas d’instinct de la reproduction ni d’instinct sexuel chez l’être humain. Plus exactement, il y a une combinaison de l’inné et de l’acquis. On peut davantage parler d’ “instinct partiel”. Serge Wunsch décrit ainsi les choses “...le comportement de reproduction est constitué d’éléments innés et instinctuels élémentaires combinés à des capacités apprises.” Quelles sont donc ces composantes innées ? Il reste les propriétés primitives de l’organisme comprenant les structures biologiques et les mécanismes physiologiques permettant la reproduction ainsi que les réflexes autonomes de la lubrification vaginale pour la femme, de l’érection et de l’éjaculation pour l’homme. On peut ajouter pour les deux le réflexe de balancement des hanches lors du rapport sexuel.

 

C’est en stimulant les zones érogènes de son corps, au contact de ses pairs, que l’être humain a appris la sexualité.

 

Ce qui distingue aussi fondamentalement l’être humain du mammifère non-primate, c’est sa propension au bien-être. L’être humain est un hédoniste, son principal objectif est d’ obtenir du plaisir “…de nombreuses séquences comportementales, chez l’être humain, semblent n’avoir pour seul objectif que l’obtention du plaisir : le jeu, le rire, l’écoute musicale, la contemplation esthétique, la gastronomie, les jeux érotiques, ou la recherche de sensations multisensorielles (simultanément visuelles, olfactives, somesthésiques…).” C’est d’ailleurs en découvrant, en diversifiant et en multipliant toutes ces stimulations que le néocortex, un réseau constitué de milliards de neurones a pu se développer. Car, dès la naissance, tout est apprentissage.

C’est en stimulant les zones érogènes de son corps, au contact de ses pairs, que l’être humain a appris la sexualité. De cette manière, son comportement sexuel a évolué d’un comportement de reproduction vers un comportement érotique. La bipolarisation affective ( plaisir et souffrance) gérée par le système de récompense et le système de punition, permet à l’être humain de construire ses connaissances et ses comportements à travers un système complexe. Selon l’appétit ou le dégoût que les éléments de son environnement lui évoquent, mais aussi selon les valeurs positives ou négatives que sa culture leur attribue, il élabore une stratégie de motivations et d’évitements, mais aussi une culture de valorisations et de prohibitions.

 

La sexualité est culturelle

La culture occidentale, par exemple, a contrôlé le comportement hédonique. En particulier depuis le développement de l’instruction publique au XVIIIème siècle. A cette époque, les valeurs chrétiennes valorisent la procréation. Pas question de faire l’apologie du plaisir. De nos jours encore, malgré la libéralisation sexuelle des années 1970, Serge Wunsch rappelle que “Notre culture valorise ainsi la recherche des plaisirs autres que physiques : l’hédoniste est qualifié d’artiste, d’esthète, de mélomane, de gourmet ou de gastronome raffiné. Par contre, celui qui recherche les plaisirs sexuels set souvent considéré comme un pervers lubrique, obsédé ou dépravé, se débauchant dans le vice et la luxure.

 

Comprendre les origines de la sexualité humaine,
Serge Wunsch,
L’Esprit du Temps

 

Ainsi, d’un point de vue historique, les études démontrent que l’organisation des sociétés influence d’une manière prépondérante les pratiques de la sexualité humaine.

Dès le néolithique, la sédentarisation aidant, les groupes s’élargissent, l’organisation sociale se complexifie imposant des nouvelles restrictions, de nouveaux contrôles, notamment sexuels.  Plus tard, vers le Vème siècle, la société des guerriers romains est remplacée par des sociétés de prêtres. L’emprise de la religion sur les sociétés développe un idéal de chasteté. Notre culture occidentale s’est construite sur un modèle de sexualité limitée à la reproduction. Cette prédominance de la religion s’étend particulièrement au XVIIIème et XIXème siècle. De nos jours, la culture occidentale valorise le couple hétérosexuel, la monogamie et la famille.

 

La neutralité en question

On le voit, les pratiques de la sexualité sont très largement dépendantes des valeurs culturelles. Elles se définissent dans une société donnée, exerçant des pressions politiques, économiques, morales ou religieuses. Dans ce cadre, difficile de rester impartial et objectif.

Serge Wunsch s’interroge notamment sur la neutralité des chercheurs et des scientifiques. Sont-ils vraiment neutres dans le résultat et l’orientation de leurs recherches ? N’y a-t-il pas un faisceau de valeurs culturelles qui orientent leur sujet d’étude et l’analyse qu’ils en font ?

Comment expliquer par exemple que des savants, médecins et psychiatres du XIXème aient propagé des croyances totalement erronées sur les conséquences pathologiques de la pratique de la masturbation ? Alors que la répression de cette pratique atteint son apogée, des médecins honorés, faisant autorité, professeurs agrégés à la faculté de médecine de Paris, tels que Eugène Bouchut et Armand Després, proposent des méthodes de torture pour réprimer la masturbation infantile, jugée comme un vice dangereux pour la santé, voire mortel. La réalité était que ces propos étaient motivés par des convictions et des intérêts particuliers.

Ce qui est certain, c’est que ces croyances ont eu un fort impact sur les peurs liées à cette pratique sexuelle. De nos jours encore, certains vivent dans une vague confusion des effets potentiellement nocifs de la masturbation.

 

Petit plus…

Un constat affligeant

Un ouvrage qui interpelle par les nombreuses questions de fond soulevées. La plus importante pose la question essentielle du sens et de l’orientation que l’on donne à la recherche. Serge Wunsch fait un terrible constat, affligeant pour l’avenir de l’humanité : la recherche fondamentale relative à l’être humain n’est pas une priorité. Il déplore le manque de recherches sur la sexualité humaine à propos de laquelle on dispose seulement d’une dizaine de livres de référence. Il n’existe quasiment pas d’études sur les processus neurobiologiques intervenant dans les apprentissages érotiques initiaux. Très peu d’études ont permis d’évaluer, d’observer et de modéliser les manifestations sexuelles au cours de la période fœtale. Bref, un grand désert de connaissances sur une énergie essentielle à l’humanité.

Ce qui est à faire : la feuille de route pour l’avenir

♥ Rassembler toutes les données qui permettraient un état des lieux permanent et actualisé des connaissances. En ce sens, la psychobiologie biologique, une discipline récente qui propose une synthèse transdisciplinaire des connaissances,  pourrait remplir ce rôle dans le domaine de la sexologie.

♥ Développer la recherche sur la compréhension globale de l’être humain.

♥ Développer un apprentissage de la sexualité. Selon Serge Wunsch,  et en accord avec les objectifs de l’éducation à la sexualité préconisés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), depuis les années 1972-1975, “Le rôle de l’éducation à la sexualité est non seulement de prévenir les troubles sexuels, mais aussi de favoriser la santé et le bien-être sexuel.

Souhaitons que notre culture s’éveille à une curiosité positive et constructive pour une humanité bienveillante, intelligente et épanouie. Simple utopie ou devoir de responsabilité ?

 

 

“Comprendre les origines de la sexualité humaine” de Serge Wunsch, Ed L’Esprit du Temps, un livre à lire pour avancer dans notre réflexion sur l’être humain.

Belle lecture les amoureux !

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2 thoughts on “Serge Wunsch, les origines de la sexualité humaine

  1. Outre des points de détail qui toucheraient à la formulation, puis-je m’autoriser deux réserves, portant peut-être plus sur le compte-rendu que sur l’ouvrage ?
    – La première est que la référence omniprésente à l’homme ou à l’humain quant à l’hédonisme est abusive. La révolution découplant la sexualité de l’œstrus, comme la “révolution hédoniste”, sont bien antérieures à Homo. L’ovulation est déjà découplée des chaleurs chez les babouins. Et le découplage de la sexualité et de la reproduction, plus ou moins présent chez tous les hominidés, est outre chez l’homme total chez les chimpanzés et les bonobos ;
    – Le développement d’une sexualité indépendante de la reproduction ne peut être réduit à l’hédonisme. Chez tous les hominidés, en même temps que sa recherche en vue du plaisir, la sexualité exerce des fonctions telles que (côté clair) des formes conscientes de tendresse et d’amour, l’apaisement des conflits, la consolation, la réduction du stress ou la reconnaissance ; mais encore (côté obscur) la possession, la domination, la manipulation, le sadisme ou le masochisme. Un seul exemple : celui des femelles bonobos, gravissant l’échelle sociale grâce à des relations homosexuelles de plus en plus prestigieuses…
    Chez les singes sociaux, le sexe est devenu social… Quoi de plus normal ?

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