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La femme, son combat d’hier à aujourd’hui

La femme a-t-elle gagné le titre d’être humain comme les hommes ? Vivons-nous dans un monde mixte où les droits des femmes et des hommes sont équitables ? Des questions essentielles auxquelles notre société doit maintenant répondre concrètement. Ce qui est certain, c’est qu’avec ou sans eux, les femmes sont bien décidées à construire leur liberté et leur égalité face aux hommes !

La femme poursuit son combat. D’hier à aujourd’hui elle se construit, pas à pas. C’est ce que nous expliquent Françoise Héritier*, Michelle Perrot*, Sylviane Agacinski* et Nicole Bacharan* dans « La plus belle histoire des femmes » aux Editions du Seuil.

Interrogées par Nicole Bacharan, elles nous racontent la formidable lutte que les femmes ont dû mener pour obtenir des droits élémentaires et, en tout premier lieu, le droit essentiel de disposer librement de leur corps.

Privées de liberté, de savoir, instrumentalisées pour la reproduction, tel semble avoir été le destin des femmes, tracé par les hommes, et ce, durant des millénaires.

 

De tout temps, on a infériorisé la femme

 Malgré les violences, péniblement, elles avancent. Elles tentent de s’élever à la hauteur de l’homme. Elles combattent pour devenir, comme lui, un être humain à part entière.

Non pas qu’elles n’en possèdent pas tous les attributs – les recherches en biologie humaine l’ont parfaitement démontrées – mais parce que les hommes les ont maintenues dans cette croyance insoutenable qu’elles leur étaient inférieures.

Depuis l’aube de l’humanité, selon l’anthropologue Françoise Héritier*, la petite fille a appris à grandir dans un état d’infériorité par rapport à l’homme. «… la valence différentielle des sexes existait déjà dès le paléolithique…» explique-t-elle.

Elle précise que, pour autant, rien ne permet de justifier la domination d’un sexe sur l’autre. Il n’y a pas une nature spécifiquement féminine ou masculine. Tout est d’origine culturelle.

 

Le « modèle archaïque dominant »

Comment l’homme a-t-il pu convaincre la femme de son infériorité ?

C’est en observant leur milieu que les hommes tirent leurs premières conclusions « Ils étudient la nature, les saisons, le jour et la nuit, la naissance et la mort, etc . » Ils se rendent compte qu’il existe des similitudes et des différences entre les deux sexes.

C’est comme cela dans toutes les sociétés ajoute- t-elle. « Dans toutes les langues il y a des catégories binaires, qui opposent le chaud et le froid, le sec et l’humide, le dur et le mou, le clair et l’obscur, le haut et le bas, l’actif et le passif, le sain et le malsain… »

Ainsi ils ont classifié en fonction de leurs observations : l’homme est connoté au chaud, au sec, et à la mobilité. La femme au froid et humide, parce qu’elle perd son sang. Elle évoque donc la mort et l’immobilité.

C’est ainsi qu’une hiérarchie se serait instituée avec des valences positives et négatives, supérieures et inférieures.

« L’observation ethnologique nous montre que le positif est toujours du côté masculin, et le négatif du côté du féminin. » souligne l’anthropologue.

De cette manière, en suivant cette logique, la valorisation du masculin est devenue une constante universelle.

 

Quand les hommes s’approprient les femmes

Partout, il est admis que l’homme est supérieur à la femme. Il possède et a autorité sur les femmes et les enfants.

 Les hommes considèrent que ce sont eux qui mettent les enfants dans le corps des femmes. Ils les voient comme un simple matériau, juste utile à la reproduction de leur fils. Pour les maintenir sous leur pouvoir, Ils les privent de l’accès au savoir.

« On les maintient dans l’ignorance et sous tutelle, obligées d’accepter le destin qu’on leur fait. » explique Françoise Héritier.

Pour justifier ces privations on dénigre la gent féminine : si elles n’ont pas accès au savoir, à la liberté, au pouvoir, c’est qu’elles n’en ont pas les compétences et qu’elles en feraient mauvais usage. « Il faut convaincre les femmes de leur infériorité. »

C’est ce qu’elle appelle le « modèle archaïque dominant ». « Et nous vivons toujours sur ce modèle » ajoute -t-elle.

 

Les fondements de l’inégalité entre l’homme et la femme viennent de la peur.

 

De tout temps, l’homme s’est autorisé ce qu’il a durement réprimé chez la femme. Notamment le droit d’éprouver des pulsions sexuelles irrépressibles. C’est ce que Françoise Héritier appelle la « licéité absolue de la pulsion masculine. »

Un modèle archaïque qui nous vient de nos ancêtres et dont nous ne sommes pas sortis. La femme, à l’inverse doit attendre d’être mariée pour avoir des relations sexuelles et elle doit fidélité à son époux.

Époux, qui, à l’envie, puisque c’était permis, violait les filles qu’il voulait… car les hommes ont le droit de disposer du corps des femmes pour se satisfaire.

 

Et avec ça, vous prendrez bien un peu de mutilation sexuelle ?

L’anthropologue rapporte que : « On trouve des mutilations sexuelles dans énormément de sociétés, et elles remontent très loin dans le temps. Personne n’a jamais pu énoncer une hypothèse valable sur le moment où ces pratiques sont apparues. »

Elle explique ainsi les motivations masculines « Donc, dans la réalité, les hommes imposent l’excision, mais en s’en lavant les mains. Nous voyons à nouveau là la prééminence du masculin sur le féminin, puisque cette pratique a bien pour but la satisfaction des hommes. »

Puis, au fil des questions de Nicole Bacharan, c’est au tour de Michelle Perrot, historienne, spécialiste de l’histoire des femmes, d’exposer les épreuves traversées par les femmes pour obtenir des droits élémentaires !

Selon elle les fondements de l’inégalité entre l’homme et la femme viennent de la peur.

Les hommes ont cette peur du corps de la femme qui représente un danger potentiel. Pour cette raison, elles sont contrôlées et surveillées : « Dès leur plus jeune âge, il faut les former, les modeler pour produire des jeunes puis des épouses pudiques, vertueuses qui dominent leur corps, leurs sens, leur imaginaire. On ne leur apprendra que ce qui est nécessaire à leur rôle de reproductrice. Toute l’inégalité entre hommes et femmes vient de cette vision des rôles et des corps. »

 

Une peur irrationnelle des femmes

Elle explique que Les Grecs et les Romains éprouvent, pour certains, une telle angoisse vis à vis des femmes, qu’ils préférent s’orienter vers l’homosexualité. Ainsi, la femme au plaisir insatiable leur fait peur. Plus tard, au Moyen âge, on agite l’épouvantail de la sorcière « qui mange les hommes, les absorbe, et peut-être les rend impuissants. »

Des milliers de femmes sont brûlées au XVIe et XVIIe siècles, en Angleterre, en France, en Allemagne, en Bohême, en Pologne, précise-t-elle.

 

La violence des hommes sur la femme

Battre sa femme était considéré comme normal. Au Moyen Age, c’est un des pouvoirs de l’homme. « La femme était assimilée aux enfants et aux animaux : elle n’est pas un être de raison. »

Plus tard le Code Napoléon accepte tacitement cette autorité et ce droit du père et du mari. L’attitude soumise de certaines femmes est consternante et la morale populaire l’accepte, sans sourciller, dans la mesure où cela ne va pas trop loin.

Puis au fil du temps, à partir du XVIIIe siècle, les femmes vont commencer à porter plainte. Les pensées évoluent lentement, faisant émerger le droit pour les femmes de ne pas être battue.

 

Une violence qui perdure de nos jours

Michelle Perrot déplore que cette violence faite aux femmes soit encore effective et passe sous silence :

« Aujourd’hui encore, on estime que seuls 5% des viols font l’objet d’une plainte. Le silence sur ce sujet est immense, d’autant plus que les brutalités de toute nature sont surtout perpétrées dans l’intimité de l’espace conjugal. Viols, coups, harcèlement moral : les femmes continuent à être victimes d’une grande violence, comme l’ont montré des enquêtes récentes. »

La notion de viol conjugal n’existe d’ailleurs que depuis à peine 20 ans. Avant la femme était à la disposition de son mari et n’avait pas le droit de se refuser. Le mariage la soumettait au service sexuel de son époux. Cela faisait partie du « devoir conjugal ».

 Après chaque naissance et plusieurs grossesses, lorsqu’elle était à nouveau féconde, la femme attendait avec angoisse l’arrivée possible d’un nouvel enfant.

 

Heureusement, il y a des femmes déterminées qui font bouger les choses.

 

Dans les années 1900, les femmes d’ouvriers n’osaient pas parler de contraception. Elles s’en remettaient le plus souvent à l’homme. C’était son affaire.

Pour éviter les dangers de l’avortement pratiqué à la sauvette dans les cuisines, les femmes commencent à revendiquer le droit à l’avortement. Un périple long et compliqué. Heureusement, il y a des femmes déterminées qui font bouger les choses.

Madeleine Pelletier lutte pour l’émancipation sexuelle des femmes, leur droit à la contraception et à l’avortement.

Mais il faut attendre les années 50 pour que les femmes prennent vraiment la parole sur le sujet de la contraception.

La sociologue Evelyne Sullerot et la doctoresse Marie-Andréa Lagroua Weill-Hallé, pratiquent des avortements et créent en 1960 le Mouvement français pour le planning familial. Cela reste clandestin. Certains médecins, comme le docteur Simon, les soutiennent. 

Alors que la pilule est inventée par le biologiste américain Gregory Pincus, à la fin des années 50, elle n’est autorisée, en France, qu’en 1967 avec la loi Neuwirth.

Mais ce n’est pas pour autant qu’elle est utilisée par les femmes qui continuent de se faire avorter clandestinement.

En 1969, le MLF (Mouvement de libération des femmes) revendique le droit à l’avortement.

Les femmes persistent et signent en 1971 avec l’appel des « « 343 salopes » dans le Nouvel Observateur. Elles dénoncent les conditions dangereuses dans lesquelles les femmes se font avorter en France. Parmi elles, Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Françoise Fabian, Antoinette Fouque, Gisèle Halimi, Françoise Sagan, Jeanne Moreau…

Après de nombreuses actions féministes et un long combat, la loi Veil légalise finalement l’avortement en 1975, sous le gouvernement de Giscard D’Estaing.

 

La contradiction entre la loi et les faits

Pour conclure, Michelle Perrot souligne l’écart qui règne entre « la loi et les faits ». Les femmes n’ont toujours pas accès à tous les métiers, elles ne sont pas décisionnaires, et le partage des tâches ménagères n’est pas encore bien généralisé. Elle considère que le chemin est encore long à parcourir avant d’atteindre l’égalité avec les hommes.

De son côté, la philosophe, Sylviane Agacinski, rapporte que les filles réussissent mieux à l’école que les garçons. « 51% d’entre elles sont diplômées de l’enseignement supérieur contre  37% chez les garçons. » dit-elle.

Cependant elles s’orientent moins vers des filières scientifiques. Elle préconise de donner aux enfants une « formation véritablement mixte et que les jeunes enfants sachent bien que toutes les voies leur sont ouvertes quel que soit leur sexe. »

Et Nicole Bacharan de rappeler que seulement 17% des femmes occupent des postes de direction de nos jours.

 

Quelques dates

En 1996, : Simone Veil, Yvette Roudy, Catherine Tasca, Michèle Barzach et Edith Cresson signent un « Manifeste pour la parité ».

En 1999, la loi favorise cet accès d’une manière égale aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

En 2000 : la loi exige une parité alternée.

Pour quand la parité appliquée ? Non les femmes n’ont pas encore gagné tous leurs droits, ni l’égalité avec les hommes. La disparité des salaires entre femmes et hommes, pour un travail égal, le prouve chaque jour.

Que dire des violences sexistes et sexuelles ? A l’occasion de la journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes, le gouvernement a décrété, le 25 novembre 2017, que cela serait la grande cause du quinquennat.

Les femmes attendent des réponses claires et des lois spécifiques. Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, annoncé par Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, discuté au Conseil des ministres le 7 mars 2018, sera présenté fin mars.

On ne manquera pas de s’y intéresser de très près. La parole des femmes se libère et désormais elles ont le droit de cité. Un grand pas dans l’histoire des femmes qui, tant qu’elles n’auront pas obtenu l’égalité avec les hommes, continueront de la revendiquer. Avec ou sans eux…Ce serait mieux avec.

Une femme et un homme, debout, marchant dans le même sens, libres et égaux en droits, partageant des valeurs de paix, d’amour et de respect mutuel… Ne serait-ce pas un beau couple pour notre XXIe siècle ? Qu’en pensez-vous ?

En attendant, fêtons ensemble le 8 mars, la journée internationale pour les droits des femmes !

 

*Françoise Héritier : anthropologue (décédée en 2017)

*Michelle Perrot : historienne, spécialiste de l’histoire des femmes

*Sylviane Agacinski : philosophe

*Nicole Bacharan : historienne et politologue

 

 

 

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