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Réussir sa vie de couple, entre rêve et inquiétude

Réussir sa vie de couple, un rêve, une aspiration pour la plus grande majorité d’entre nous. Mais pourquoi est-ce si difficile à réaliser ? Pourquoi ce rêve finit-il si souvent en blessures et en déchirures ? Y a-t-il un bon ou un mauvais modèle ? Eric Widmer, et Philippe Brenot, nous aident à mieux comprendre le fonctionnement des couples et les raisons qui les font échouer. La science du couple est en marche. Elle nous livre ses premières découvertes .

Réussir sa vie de couple, pourquoi est-ce aussi compliqué ? Est-ce lié aux différents changements survenus au cours des trente dernières années ? Interrogé par Mathieu Vidard dans “La tête au carré” sur France Inter, Philippe Brenot , psychiatre sexologue anthropologue, commence par un constat : “Je crois aujourd’hui que le couple est le premier objet d’inquiétude pour tous nos contemporains en France.”

C’est vrai, le couple interroge, le couple inquiète. Tous veulent réussir en priorité leur vie de couple mais peu y parviennent. Le couple reste donc très important mais il semblerait que les mêmes erreurs se répètent et produisent les mêmes échecs.

Quelles sont ces erreurs , à quoi sont-elles dues, d’où viennent-elles ?

“Le couple est tout aussi important qu’avant, mais il prend sens par un projet individuel.”, nous dit Eric Widmer, professeur de sociologie à l’université de Genève, codirecteur du programme de recherche sur les parcours de vie : “Lives”.

Il explique que le modèle conjugal a beaucoup changé depuis ces trente dernières années. La plus forte tendance s’oriente, de nos jours, vers un couple à la recherche d’un développement personnel plutôt qu’un couple au service d’un collectif. Cette tendance, radicalement opposée aux couples des années 50 qui privilégiait le groupe familial, modifie d’une manière importante la relation entre les deux partenaires.

En se centrant davantage sur l’individu, les exigences augmentent considérablement. Les attentes s’aiguisent et cherchent la perfection. Pour notre épanouissement personnel, on veut de l’amour, de la passion, du sexe, de la qualité, de l’émotion, de l’affection, du réconfort, de la sécurité, du dynamisme… Bref, un couple parfait. Et tout ça sur la durée ?

Impossible ! nous dit Philippe Brenot : “La grosse difficulté qu’ont les couples aujourd’hui en France c’est qu’on ne cherche pas à faire un couple amoureux. La plupart des gens cherchent à faire un couple passionnel.” Il ajoute que le problème s’accentue sur la durée.  Plus le temps passe, plus l’intensité de la découverte s’estompe. L’excitation des débuts finit par disparaître, laissant place aux déceptions. Les déceptions engendrent les insatisfactions et, faute de pouvoir résoudre les conflits qui se créent inévitablement, les couples se séparent.

CQFD, un des mécanismes d’échec classique du couple malheureux est révélé ! Que faut-il faire alors pour enrayer cette machine infernale ?

Il existe d’autres couleurs que la passion dans l’amour

Arrêtez de rêver ! Le couple idéal n’existe pas. Acceptons l’idée que la passion est un moment dans notre couple, une couleur vive et intense sur la palette de notre relation amoureuse. Mais ce n’est qu’une couleur ! Rien ne nous empêche d’en ajouter une nouvelle et de créer ses nuances. Quand une couleur se ternit, rien ne nous empêche de la raviver. Quand l’ennui s’immisce dans notre couple, que la routine et le manque de désir s’installent, inventons de nouvelles couleurs. Philippe Brenot a une idée là-dessus :

“Je crois qu’il faut régulièrement refaire une rencontre comme au premier jour, pourquoi pas s’écrire des lettres d’amour, pourquoi pas se retrouver, il faut même trouver des moyens que ça recommence comme au début… Et vraiment, ça peut repartir !”

S’écrire des lettres d’amour pour repartir, oui c’est une idée, mais quand le problème est plus grave qu’un simple essoufflement, que faut-il faire ?

La mise en couple c’est la création d’une culture commune à partir de deux cultures individuelles.

Il faut mettre en place notre “culture couple”. Sans la création d’une culture commune qui rassemble nos normes, nos règles, nos valeurs définies à deux, nous ne sommes pas prêts pour affronter les épreuves.

La mise en couple c’est la création d’une culture commune à partir de deux cultures individuelles… Ils doivent se mettre ensemble, réussir à créer un certain nombre de normes et de valeurs communes qui vont leur permettre de faire face à ces séismes que sont l’arrivée des enfants, éventuellement les problèmes professionnels, les maladies, la mise à la retraite. Si cette culture commune ne se crée pas, toutes ces étapes-là seront plus compliquées.” explique Eric Widmer.

Il ajoute que “C’est le passage d’événements critiques ou de transitions importantes qui ont un impact sur le fonctionnement du couple. En particulier l’arrivée du premier enfant qui signifie une recomposition des relations conjugales, davantage de fermeture, davantage de centration sur le couple, des relations plus inégales entre hommes et femmes, division du travail domestique et du travail professionnel.”

Chaque couple est libre d’inventer son propre modèle

La mise en couple serait donc une œuvre originale, une création à deux avec sa propre forme et ses propres couleurs ?  “Tous les couples doivent inventer la forme de leur couple.”, c’est ce que pense Philippe Brenot. Il dit aussi que le travail scientifique réalisé par Eric Widmer et son équipe est très utile à mettre en pratique. Ce travail est, selon lui, le seul qui permet de comprendre le fonctionnement des couples. Il aide à isoler les facteurs favorables à la pérennité du couple. Il permet de repérer les formes de couples les plus résistantes.

L’enquête “Lives”

Le programme de recherche sur les parcours de vie “Lives” a été réalisé auprès de 1 500 couples suivis pendant vingt ans. Il a permis de dégager 5 modèles de conjugalité.

Modèle associatif : 29% des couples, c’est le plus représentatif. Particulièrement présent chez les jeunes et avant les enfants.

Caractéristiques : centration sur l’idée que le couple est au service de l’individu. La dynamique de couple est basée sur une négociation permanente des droits et orientations individuelles. Rien n’est acquis pour le couple, tout se négocie entre les partenaires. Le souci  d’égalité entre l’homme et la femme est très marqué. Le couple aime s’intégrer dans la communauté.

Modèle bastion : Un modèle très fermé, très traditionnel. L’homme travaille, la femme s’occupe des enfants. Il est fondé sur l’idée que le groupe familial doit prendre le dessus sur le couple.

Modèle cocon : C’est la version moderne du couple bastion. À la fermeture et à la fusion des partenaires s’ajoute une volonté d’égalité homme/femme.

Modèle compagnonnage : Le couple valorise l’ouverture sur l’environnement extérieur. Il pratique beaucoup d’activités collectives. Il est également fusionnel avec un souci marqué pour l’égalité homme/femme.

Modèle parallèle : C’est un couple fermé sur lui-même qui ne valorise pas les relations avec la parenté, les amis, l’entourage et l’environnement. Les deux conjoints sont très individualistes et il y a de fortes inégalités entre homme et femme.

L’éclairage d’ Eric Widmer

Le sociologue explique qu’un couple associatif centré sur une négociation permanente et un fort principe d’égalité, s’avère épuisant et compliqué : “Mieux vaut finalement dans les premières années de couple se mettre d’accord sur un ensemble de normes, de règles et de valeurs fondamentales et rester assez proches de ces normes et de ces valeurs.”

Petit plus…

Attention aux conseils parasites… Un ami ou un proche n’est pas suffisamment neutre pour vous dire si vous devez rester ensemble ou pas. En accord avec Philipe Brenot qui conseille de ne pas écouter l’avis de nos amis parce qu’ils projettent leur propre représentation du couple, Eric Widmer ajoute :

Les dynamiques conjugales s’enrichissent ou au contraire sont mises en danger par l’interférence de ces tierces parties dont il faut tenir davantage compte dans les cabinets de thérapie.

Compliqué la vie de couple ? Très certainement. Il faut dire que la tâche est ardue. Remplacer le rêve illusoire de former un couple parfait par l’envie de construire un couple décidé à réussir une vie à deux. L’enjeu ? Réaliser une œuvre originale et durable, à votre forme et à vos couleurs. Joli projet non ?

Pour une belle œuvre à deux, à vos palettes et à vos pinceaux les amoureux !

Eric Widmer,
Mesure et démesure du couple,
Éditions Payot, 2008

Philippe Brenot,
Lettres d’amour, secrets des amants,
Editions Esprit du temps, 2016

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