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Droits des femmes, il y a 230 ans… Olympe de Gouges

Les Droits des femmes et des citoyennes ont 230 ans. Un texte féministe essentiel en est le point de départ. Il demande l’égalité des femmes avec les hommes. Une demande incroyable et audacieuse, rédigée par une ancienne courtisane, devenue femme de lettres : Olympe de Gouges.

Les Droits des femmes n’avaient encore jamais été demandés aussi concrètement. Pour la première fois, dans l’histoire de France, une femme demande l’application juridique et légale des Droits de la femme à la même hauteur que les Droits des hommes. Olympe de Gouges propose ce texte révolutionnaire à l’Assemblée législative le 28 octobre 1791.

Elle écrit son texte sur le modèle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamée le 26 août 1789. Une déclaration qui, à aucun endroit, ne fait mention de la femme…

Pour cette raison, la féministe révolutionnaire, Olympe de Gouges, reprend ce texte en y ajoutant les mots « femme » et « citoyenne » dans sa Déclaration. A l’inverse des hommes, et sans rancune, elle n’omet donc pas de les citer dans son texte. Plaçant ainsi, côte à côte, hommes et femmes, elle rétablit un juste équilibre, demandant la reconnaissance légitime et universelle des Droits humains.

 

Les droits des femmes aux oubliettes

Mais, hormis Nicolas de Condorcet qui défend activement la cause des femmes et notamment leur droit de vote, le climat de la Révolution française reste peu favorable aux femmes. Ainsi, la Convention de 1792 refuse la demande des Droits des femmes, proposée par Olympe de Gouges. Sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne tombe alors dans les oubliettes, et ne ressortira que bien longtemps après, en 1840, sous forme d’extraits publiés. C’est l’écrivaine féministe Benoîte Groult qui révèle l’intégralité du texte en 1986. Quant aux Droits des femmes, il faudra attendre plus d’un siècle et demi pour qu’ils commencent à être véritablement reconnus, et admis dans notre société. Le droit de vote n’est concédé aux femmes qu’en 1944 !

Olympe de Gouges, dans sa passion pour l’égalité entre les hommes et les femmes, aura donc été un fer de lance des revendications féministes pour les Droits des femmes. Elle mérite tout particulièrement un hommage pour ses actions courageuses et avant-gardistes. C’est l’occasion de le faire, en cette journée du 8 mars : Journée internationale des femmes.

 

L’esprit effervescent d’Olympe

Olympe de Gouges est de ces femmes vivantes, passionnées et entières. Née en 1748, elle fait partie de l’époque des Lumières, de ce grand brassage d’idées nouvelles, de ce foisonnement d’espoirs pour l’émancipation humaine. Et même si ce n’est “qu’une femme”, peu reconnue par l’aveuglement des hommes, elle a plein de choses à penser, à inventer et à revendiquer.

Issue d’une famille bourgeoise de Montauban, Olympe est baptisée au nom de Marie Gouze, mais elle est née de la relation adultère de sa mère, Anne Olympe, avec le poète Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. Mariée à dix-sept ans et demi à un traiteur parisien qui lui donne un garçon, en 1765, Olympe est veuve l’année d’après et ne se remariera pas.

 

Olympe est tour à tour royaliste et révolutionnaire, mais avant tout, humaniste

De courtisane qui mène une vie galante, faite de coquetterie et de légèreté, elle devient femme de lettres en publiant au moins 7 pièces de 1786 à 1793.

Elle se crée peu à peu un salon littéraire : des petits auteurs, des écrivains dans les gazettes, des critiques. L’on peut sans doute y rencontrer Bernardin de Saint-Pierre qui l’apprécie particulièrement ou encore le dramaturge Louis-Sébastien Mercier, avec lequel elle entretient une amitié sincère et profonde… Et peut-être même davantage ?

Sa première pièce, écrite en 1782, est l’un de ses plus grands combats qui lui vaut beaucoup de persécution et d’animosité. Car, Olympe est tour à tour royaliste et révolutionnaire, mais avant tout, humaniste : sa sensibilité aux injustices, aux inégalités, et à la souffrance humaine lui font prendre position pour défendre des causes qui lui semblent justes – Ce qui la rend, parfois, plus révolutionnaire que la Révolution !

 

Les Droits des femmes, et plus encore…

Elle ne se fait pas beaucoup d’amis notamment lorsque la Comédie Française accepte de présenter en 1789, après maints reports, sa première pièce “L’esclavage des Nègres” (à l’origine Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage) dans laquelle elle défend la cause des esclaves noirs. Elle condamne les colons : leur “cupidité” et leur “ambition aveugle”. Une œuvre révolutionnaire avant l’heure, car, ce n’est que le 4 février 1794 seulement, que la Révolution ose abolir l’esclavage.

Elle est aussi profondément touchée par la pauvreté et la misère, et propose d’ouvrir des maisons d’accueil pour les “vieillards sans force, les enfants sans appui”, mais aussi pour les veuves, les personnes sans travail. Par ses propositions elle affirme son esprit de solidarité et son sens de l’altruisme. Elle forme également le projet d’une caisse patriotique, financée par un impôt sur le luxe.

 

La femme n’a rien gagné dans la révolution

Olympe, entière et très bavarde, ne cache ni ses ambitions, ni ses aversions. Elle a notamment le projet de créer un bataillon d’amazones qu’elle ne réalise pas. “Je veux former une légion de femmes.” déclare t-elle en 1791. De fait, elle reproche à la Révolution de ne rien avoir réalisé en faveur des femmes. Olympe de Gouges explique que la femme n’a rien gagné dans la révolution. Elle a même plutôt perdu. Ainsi le  “privilège” que les femmes nobles avaient de se faire représenter par des procureurs pour des opérations électorales est supprimé par la Révolution, refusant à toutes les femmes la possibilité d’avoir droit de cité.

 

La montée à l’échafaud

De son franc-parler politique, chacun sait qu’elle déteste Marat qui a fait des déclarations véhémentes sur les revendications féministes. Elle déteste de la même manière Robespierre mais admire Hérault de Séchelles et Danton. Elle est avant tout Girondine, mais la Gironde est vaincue le 2 juin 1793.

Arrêtée le 20 juillet 1793, près du palais de justice, alors qu’elle rentre chez elle rue de Harlay, Olympe de Gouges est interrogée à la mairie, et gardée au secret. L’acte d’accusation, daté du 27 octobre 1793 porte sur ses écrits : les Trois urnes, Le placard de l’Abbaye et la France sauvée ou le Tyran détrôné, laissant paraître les tendances royalistes et fédéralistes d’Olympe.

Elle est jugée le 2 novembre 1793. L’avocat qu’elle avait choisi est absent. Elle est guillotinée, à l’aube, dès le lendemain, le 3 novembre 1793.

Pacifiste dans l’âme, à ceux qui disaient “Le sang fait les révolutions”, elle rétorquait  “Le sang, même des coupables, souille éternellement les révolutions.”

 

“Homme, es-tu capable d’être juste ?… Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ?

Olympe de Gouges

Son texte pour les Droits des femmes est adressée à la reine Marie-Antoinette, épouse du roi Louis XVI.

Avant de présenter les dix-sept articles de sa Déclaration, Olympe de Gouges commence par une question tranchante et directe qu’elle adresse à l’homme :

 “Homme, es-tu capable d’être juste ? … Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ?”

Elle renvoie l’homme à son sens de l’observation de la nature, des animaux, de la matière organisée “cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel.”

Elle remet l’homme à sa vraie place, face à son orgueil démesuré, et à sa profonde ignorance : “Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus.”

 

L’appel au réveil

Dans sa Déclaration pour les Droits des femmes, Olympe de Gouges écrit un postambule. Son texte appelle les femmes à se réveiller, à ouvrir les yeux sur leur état d’infériorité mensongère : de faux préjugés, vendus par les hommes, pour mieux les assujettir et assouvir leur esprit de domination sotte et injuste.

 Méprisées, dédaignées par les hommes, elle encourage les femmes à opposer, avec force et courage, la vérité et la raison  “aux vaines prétentions de supériorités” des hommes.

Aucune barrière ne doit les dissuader de poursuivre leurs revendications, bien fondées, et entièrement légitimes : tout combat ne peut vaincre que par une volonté implacable. 

Le prix de la frivolité 

Elle retrace la vie des femmes sous l’ancien régime, une époque dans laquelle, pour se faire une place de choix, une femme n’avait besoin que d’être belle ou aimable. Toute femme qui ne témoignait pas d’intérêt à en profiter, était considérée comme “une mauvaise tête”. Mais la femme belle, sous l’action des années, vieillit, et après avoir servie, l’homme ingrat l’abandonne, avec ou sans enfant. Les femmes restent alors seules, sans bien et sans recours, condamnées à leur triste sort. D’où l’importance de revendiquer “le partage des fortunes entre les hommes et les femmes”, ce que propose Olympe dans la “Forme du contrat social de l’homme et de la femme”.

 

Forme du contrat social de l’Homme et de la Femme

A travers cet acte, elle propose de mettre les biens du couple en communauté, sous la condition que chacun puisse les récupérer en cas de séparation, de façon à les donner à leurs enfants. Elle ajoute le droit pour les enfants, lorsqu’ils sont reconnus, de pouvoir porter le nom des pères et des mères, en prévoyant la condamnation de ceux qui renient leur progéniture. Elle parle notamment des hommes ou des femmes qui auraient un enfant issu d’une relation adultérine. Un critère qui n’est pas sans rappeler sa propre histoire d’enfant née d’un couple adultère. (article 11)

Elle prévoit également une  loi pour les “veuves et les demoiselles trompées par les fausses promesses d’un homme”. Cette loi obligerait les hommes à tenir leur engagement ou à verser une indemnité proportionnelle à leur fortune.

Elle propose aussi d’attribuer des quartiers aux “filles publiques”.

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits 

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne – 1791 Olympe de Gouges

 

Article premier

La Femme naît libre et demeure égale à l’Homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.

Article 3

Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article 4

La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpéruelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article 5

Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société ; tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.

Article 6

La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7

Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi : les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

Article 8

La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Article 9

Toute femme étant déclarée coupable ; toute rigueur est exercée par la Loi.

Article 10

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi.

Article 11

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 12

La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Article 13

Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie. 

Article 14

Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôt. 

Article 15

La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Article 16

Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.

Article 17

Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés : elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

 

 

 

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